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Responsabilité environnementale

Les Experts attentifs à la transposition de la Directive européenne sur la RE

13/06/2017

A l'occasion de son Assemblée générale, La Compagnie des Experts (CEA) organisait une conférence sur l'avancée de la transposition de la Directive européenne sur la Responsabilité environnementale (RE) dans les pays de l'UE et plus particulièrement en France. Yves Legoux, Président de la CEA a donné la parole à Hans Lopatta de la Direction Générale environnement de la Commission européenne pour mieux expliquer les tenants et objectifs de la directive, puis à Alexandre Moustardier, Avocat à Paris, spécialisé en droit de l'environnement, qui a exprimé les hésitations des juges quand à l'indemnisation des préjudices en cas de pollution et enfin à Sylvie Monereau, souscripteur experte en environnement d'Axa Corporate Solutions qui a, elle, souligné « un risque réel » pour un très grand nombre d'entreprises.

La Directive sur la RE, une longue histoire

Hand Lopatta a tout dabord rappelé qu'avant la directive, dans les années 80, seule la RC obligatoire couvrait les dommages déchets et qu'il a fallu attendre 2002 pour que la directive européenne soit adoptée (avec les principes pollueur / payeur, de précaution et de prévention). La transposition dans les législations des 27 pays membres obtenait en 2004 un délai de 3 ans pour sa mise en application. Aujourdhui, l'état davancée de transposition varie selon les différents pays. En France, elle n'a pas posé de trop gros problèmes, du fait que la réglementation nationale comprenait déjà un bon nombre des dispositions contenues dans le texte européen. La Directive cadre couvre 3 secteurs de pollution qui touchent à la nature (aujourdhui élargie au concept de biodiversité), aux pollutions des eaux et à celle des sols. Sont exclues les pollutions touchant les personnes privées et le concept trop large de pollution atmosphérique. Après 6 années de transposition, la Commission constate qu'à l'exception de la Pologne on n'enregistre que quelques cas dinfraction majeure dans les autres pays ayant renvoyé leurs rapports aux instances européennes. Il convient de rappeler quil sagit dune directive cadre et que les Etats ont le loisir d'aller au-delà des prescriptions recommandées.

Les champs d'application, coûts et réparation

La responsabilité objective en cas de pollution s'applique aux trois secteurs (biodiversité, eau et sol), tandis que la responsabilité pour faute s'applique, elle, uniquement pour la biodiversité, mais avec un lien de causalité toujours requis. La Directive inclus un certain nombre dexceptions : en cas de conflit armé, de guerre civile, d'insurrection, de phénomène naturel « de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible », de conventions internationale ou de défense nationale, etc. Pour ce qui concerne les différentes sortes de réparations, la directive prévoit différents degrés : la réparation primaire (ou la remise en état initial) ; la réparation complémentaire des ressources naturelles ou, à défaut la réparation compensative (des pertes intermédiaires entre le moment du dommage et celui de la réparation à 100 %). En France, l'autorité compétente est le préfet, qui peut prendre des mesures « à la place » en matière d'évaluation des dégâts et de détermination des mesures de réparation. Mais l'autorité a également les pouvoirs de demander à l'exploitant pollueur de faire sa propre évaluation jusquà la mise en oeuvre des mesures nécessaires. Au niveau des coûts ces derniers sont assumés par l'exploitant, excepté en cas dintervention d'un tiers, ou d'injonction de l'autorité publique ou encore, en cas d'exonération optionnelle. Les délais de prescription sont de 5 ans et le délai absolu de 30 ans après l'émission, sans effet rétroactif.

Pollutions écologistes : les juges bien embarrassés

Alexandre Moustardier, Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit de l'environnement a souligné la difficulté des juges en cas de grands procès pour pollutions écologiques, dans l'évaluation des préjudices. Notamment, par rapport à l'étendue des dommages causés, lors par exemple d'une marée noire. En effet, il convient alors de prendre en compte tous les facteurs et de les évaluer ! Ceci, aussi bien pour le préjudice écologique premier que les autres préjudices, comme le nettoyage des plages, mais aussi les autres conséquences, comme la fermeture des restaurants balnéaires après une forte pollution ou les retombées pour l'image des communes endommagées. De plus, avant l'Erika, les juges devaient se débrouiller sans aucune valeur de référence et les dommages et intérêts avaient alors plutôt une valeur symbolique. L'évaluation était faite par les magistrats, bien ennuyés pour reconnaitre la nature du dégât et l'évaluer. Depuis la marée noire sur les côtes du Morbihan et de Loire Atlantique, qui a fait jurisprudence, le dommage écologique se décline en dommage économique, « dénommé perte de l'image de marque », et en dommages de compensation de « perte d'unités de biodiversité ».

Ce dernier ayant été reconnu comme un dommage indemnisable, car il doit être pris en considération dans le cadre d'une « pollution grave de nature à porter atteinte aux intérêts des marins pêcheurs, des protecteurs des oiseaux et naturellement des collectivités territoriales touchées » (dégradation de lestran*). Pour ce dernier préjudice, faute de grille dévaluation, les juges ont estimé une somme compensatoire minimale approximative de 10 cent d'€ par mètre carré pollué. Cependant, Alexandre Moustardier souligne d'autres difficultés auxquelles les juges doivent faire face, comme le coût du préjudice moral pour les communes touchées. A titre d'exemple, la commune de Pornic lors du procès Erika a été indemnisée à hauteur de 200 000 €, contre 500 000 € attribués à la commune de La Baule (beaucoup plus cotée au niveau fréquentation touristique). Mais encore a-t-il fallu calculer la hauteur financière du préjudice moral pour la commune de Guérande dont l'activité principale est l'exploitation des marais salants qui, pour cause de pollution, n'ont pas produit pendant la durée de réparation des dommages. Autre source d'interrogation concernant les associations protectrices des oiseaux, : il a encore fallu attendre la jurisprudence Erika pour les reconnaître comme victimes (avant, elles nétaient pas indemnisées, nétant pas considérées comme « propriétaires » des dits oiseaux). Enfin, Me Moustardier soulève une autre grande interrogation : que deviennent les fonds de réparation après quils aient été attribués aux communes victimes de la pollution ? En effet, en létat, ces dernières nont aucune obligation de réparation précise en matière de nettoyage des plages et encore moins pour ce qui concerne la réparation de leur image. Ces fonds peuvent donc être attribués en fonction des besoins des mairies. C'est pourquoi les juges sont hésitants dans ces cas précis pour attribuer les fonds compensatoires, sans parler de les calculer, puisqu'il nexiste à ce jour aucune grille !...

Les préconisations d'un assureur spécialisé : tous concernés !

Enfin, Sylvie Monereau, souscripteur experte en environnement d'Axa Corporate Solutions a insisté sur ce risque « bien réel » pour un très grand nombre d'entreprises. Elle a rappelé que les premières polices environnementales ne dataient que des années 90, se transformant en 2000 et 2006 en Dommages à l'assuré, puis en Responsabilité environnementale en 2007, et enfin, grâce à la jurisprudence Erika, en Garanties préjudice écologiques en RC et ce, à partir de 2011. Enfin, entre 2009 et 2012 sont apparues les premières garanties aux Dirigeants et au risque en cours de transport (sont assurés, les tiers, les biens de lassuré et la nature). Mais, Sylvie Monereau a regretté le manque dun contexte légal « clair et certain », ce sur quoi travaillent les assureurs au sein de la cellule adhoc de la FFSA. Pour conclure, Yves Legoux, Président de la CEA a regretté le manque troublant de grilles de calcul des primes pour les experts en environnement, une vrai problématique renforcée par les cas pratiques trop rares en France (mais faut-il vraiment le regretter ?), pour ce qui concerne le maintien de la biodiversité, de la faune et de la flore. Les méthodes d'évaluation des risques restent elles aussi encore à étudier. Beaucoup de travail pour les spécialistes de l'assurance environnement, actuaires et experts.



Propos recueillis par Patrick Schindler au Centre de Conférences Paris Victoire

*Estran : espace de balancement de la marée, alternativement recouvert et découvert par la mer

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